BUGGE WESSELTOFT / Film Ing (Jazzland)

SOUND/ J'ai toujours aimé le jazz sans vraiment le connaître (de manière scientifique s'entend) pour des raisons sentimentales & affectives tandis que l'électro, à une période où je pensais avoir fait le tour de tout ce qui était écoutable dans le rock, fut une énorme terre vierge, une grande bouffée d'air, un continent à explorer. Il va s'en dire que ces deux styles musicaux s'accommodent depuis des lustres l'un de l'autre avec la plus grande application ou plutôt, & pour être précis car la précision a déserté ce monde sans foi ni lois rendons lui la place qu'elle mérite: l'électro s'est allègrement occupé de prendre au jazz ce dont elle avait besoin. Souvent pour le meilleur, il faut bien l'avouer. Les deux sont des musiques d'attente, de rythme, de contrecoups, de sursauts même si l'improvisation n'est pas aussi primordiale pour l'électro.
Bugge Wesseltoft, le label Jazzland sois même, a une nouvelle conception du jazz à proposer au patron du département "musique" de la Bruyantissime. Soit! Je suis un magna de la presse ouvert, curieux, charismatique! Je suis prêt à marquer de mon empreinte l'histoire du journalisme musical en parlant pour la première fois d'un nouveau mouvement qui fera date dans le monde du jazz, prêt à poser les premiers jalons d'une success story dont l'innovation est le cri de ralliement... même si le disque est sortit depuis quatre ans déjà. Qu'importe! Une nouvelle conception du jazz donc. Un jazz tellurique, minimaliste, empli de sonorités... électro. Avec des sons de la vie quotidienne dedans (chant d'oiseaux, bruit de circulation automobile, conversations...) & surtout avec Bugge au piano.
Alors, c'est pas que l'album soit mauvais, au contraire, c'est le genre de galette à écouter en solo du genre tapisserie sonore épaisse avec juste assez de groove pour ne pas complètement l'oublier. Ou non, mieux. Ça serait plutôt le genre d'album pour un de ces putains d' "apéritifs dînatoires" dont raffolent les nanas. Vous voyez où je veux en venir - elles adorent ça: recevoir. Faire des petits fours avec ce caviar d'aubergine à 14 euros le pot chez Résonances & puis c'est l'occasion de sortir les verres-de-la-mort-qui-tue achetés au Conran Shop lors d'un week-end à Paris. Ah mes loulous! Le jour où la province ne devra plus se contenter d'Habitat... BREF! Un disque pour ce genre d'occasion. Un son qui passe, montre que vous avez des goûts d'avant garde (jazz? électro? ambiant? mais quel est donc cette musique d'avant garde???) sans trop se mouiller, qui vous donne un petit côté intellectuel rive gauche même si la rive gauche du Vieux Port n'a, mais alors absolument rien à voir avec celle de la Seine, mais bon... on s'arrange avec son complexe d'infériorité provincial comme on peut. Au moins nous, on à la mer! diront les enfants de Mauvaise Foi. BREF! BREF! Film Ing, sans me décevoir, ne m'a tout de même pas apporté toute l'allégresse que j'avais espéré. Bugge ne fait pas tant de folies que ça avec un piano (le morceau intitulé Piano dont la pochette nous apprend que c'est un solo de Bugge n'est en fait qu'une sorte d'introduction mouligasse au morceau suivant El.), la batterie est quasi absente de la première partie de l'album (avec un beau come back sur le morceau Film Ing) & est remplacée par un paquet de boîtes à rythme plus ou moins heureuses (Hi Is?). Le saxo a parfois un vieux son ringard du style que Serra aurait pu utiliser pour la B.O. du Grand Bleu 2 (El. encore) ou d'une mauvaise inspiration du James Taylor Quartet (Oh Ye). Vous voulez que je vous dise, le meilleur ici c'est la contrebasse, seul instrument qui fait son boulot correctement, qui tient la barre du jazz formule: nouvelle conception à la Bugge Wesseltoft. Au final, un album un peu décevant, pas complètement nul mais qui m'a obligé à reconsidérer la question de l'alliage entre le jazz & l'électro.
Se faisant je suis tombé sur un vieux disque dont j'avais totalement oublié l'existence mais qui m'avait bien fait swinger de la guibolle à sa sortie: Fillet Of Soul d'Alexandre Tassel & Guillaume Naturel, le tout produit par DJ Cam. En le réécoutant, je me suis dit que c'était peut être ce que Wesseltoft avait essayé de faire sans vraiment y parvenir. Un album classe avec la trompette de Tassel qui sonne comme celle de Miles sur Kind Of Blue, des musiciens qui jouent en rang pour laisser au saxo de Naturel un espace libre d'impro. La production, tout en discrétion, de DJ Cam, enfonce le clou & fait de cet album un excellent compromis entre les deux univers si complémentaire de l'électro & du jazz. Avec une touche de soul... que les salariés de la Bruyantissime ont accueilli avec des hochements de têtes connaisseurs. Je n'embauche que des gens au goût sûr. & puis c'est tout!


VISION/ Tassel & Naturel "Drivin'":




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