PYLON // Gyrate (DFA)

J'aurais très certainement fait un piètre producteur vu que si un groupe comme Pylon avait débarqué dans mes studios, je crois bien que j'aurais tout de suite appelé la sécurité pour me mettre tout ça dehors. Vous connaissez Vanessa Briscoe? Je veux dire, vous avez vu la dégaine qu'elle se paie? Je n'aurais pu être autre chose qu'intransigeant: "Ma cocotte tu es attifée comme une cafetière bolchévique & tes dents sont toutes tordues. Tu t'attends vraiment à ce qu'on vende tes disques?". Des fois je me fais peur. Je sais faire très mal aux gens lorsque c'est nécessaire mais je devrais toujours garder à l'esprit le précieux conseil que l'oncle Ben donna à Spiderman avant de se faire dégommer: "De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités". Ça m'aurait évité de passer à côté de Pylon comme à peu près la moitié de la planète à l'époque.
Alors c'est marrant parce que le jour où le facteur m'a remis un colis venant d'Argentine & dans lequel se trouvait Gyrate Plus j'ai trouvé des articles sur Pylon un peu partout sur le net & dans mon Tsugi tout frais. C'est le genre de trucs qui m'arrivent souvent... un signe supplémentaire de mon flair légendaire. L'oncle Ben n'avait pas tort & Pylon aurait bien fait de suivre son conseil, le problème c'est que ce groupe de "la scène d'Athens en Georgie" c'est fait plumer sur toute la ligne. Apparus avant R.E.M. & les B52's, ils ont aussi disparu du paysage les premiers laissant le groupe de Michael Stipes faire la première partie de U2 qui lui était réservée & cartonner dans les charts & devenir le groupe que l'on connaît & transformer les quatres dingos en parfaits loosers de l'histoire du rock'n'roll. Il est évident que la musique de Pylon est beaucoup moins subtile (sic) que celle de R.E.M. (& encore, comment savoir quelle orientation le groupe aurait pris si il avait eu le succès qu'il méritait?) pourtant, elle n'en possède pas moins toute l'envergure sociale, la dimension primitive qui en aurait fait un vecteur essentiel du son punk funk de l'époque.
Le disque démarre avec le premier single du groupe, "Cool". Ce qui est remarquable avec Pylon c'est que, on aime ou on aime pas, mais c'est quelque chose que vous n'avez jamais entendu ou, plus précisément, c'est un son reconnaissable entre tous. J'ai toujours pensé que c'était là la caractéristique des grands groupes. Ce "Cool" inaugural est scandé d'une drôle de manière par Vanessa Briscoe, véritable Patty Smith en jupon, limite Eleanor Friedberger des Fiery Furnaces en pleine crise d'hystérie. Cette manière qu'elle a de distordre les premiers mots comme si ils étaient trop chauds dans sa bouche est franchement singulière & pourtant, il semble bien que ça soit la seule façon correcte de les chanter. Très vite on comprend que ça va péter dans tous les sens. Les gars derrière Vanessa (Randy Bewley à la guitare, Curtis Crowe à la batterie & Michael Lachowski à la basse... la formation on-ne-peut-plus-classique d'un groupe de rock) trouvent un rythme, une ligne directrice & ne la lâchent plus. La basse de Lachowski est lourde, typiquement américaine... DUNG DUNG DUNG un peu comme dans les premiers albums de Pearl Jam ou sur certains morceaux des Pixies. Guitare & batterie filent le parfait amour & la voix de Vanessa éructe des paroles directes & sauvages en roulant les r comme une Johnny Rotten à foufoune. Directes & sauvages parce que claironnées dans une boucle - répétées comme un slogan pendant une manifestation, comme une formule magique délivrant une euphorie primitive, un état de transe fondamental parce que trop longtemps oublié: "Everything! Everything! Everything! Everything! EVERYTHING IS COOOOOOL!!!" ou lorsqu'elle gueule: "Read a booook! Read a boooook! Don't be afraid! ", on se dit que l'Education Nationale a raté le coche pour s'aliéner une jeunesse en plein désarrois. Sur la longueur le disque s'essouffle un peu du fait de cette structure très basique & répétitive mais écoutez seulement "Cool", "Volume", "Danger" ou encore "Read A Book"... ça va vous donner envie de faire de la gym avec une bande de caniches cocaïnomanes & de gueuler sans vraiment savoir d'où vient se plaisir brut de sautiller dans tous les sens & de trouver ça terriblement cooooool.

VISION/ Aujourd'hui, en regardant les vidéos disponibles sur Youtube, je me dis que Vanessa Briscoe était une super nana avec sa panoplie de bouseuse du fin fond du sud américain alors qu'elle criait comme n'importe quel punk de New York ou Londres & avait exactement le même jeu de scène que Jim Morrison. Je vous jure que c'est vrai. La preuve avec ce "Stop It" qui n'est certainement pas le meilleur morceau de l'album mais qui donne un visuel assez touchant à tout ce papier:




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