LOVAGE // Music to Make Love to Your Old Lady By (75 Ark Records).

& je dis: pourquoi pas? Pourquoi ne pas réécouter un album qui transpire le sexe susurré à l'oreille par Jennifer Charles & Mike Patton. Deux voix franchement attractives. C'est vrai. « Attractives » est même un mot bien faible pour décrire le velours moite qui se dandine hors les baffles lorsque je mets ce bon vieux Music to Make Love to Your Old Lady By. Un album qui fleure bon le glamour classe & maîtrisé, teinté d'un poil de dérision comme cette pochette qui imite celle de Gainsbourg (le deuxième album). Dan Nakamura dit Dan the Automator dit, pour l'occasion, Nathaniel Merriweather, producter hip-hop discret & efficace (Dr Octogon) qui se tape la fanfare quatre étoiles en faisant bosser sur le même projet la chanteuse d'Elysean Fields, Miky Pattounet (Faith No More, Tomahawk, Fantômas, Mr Bungle, The Dillinger Escape Plan, Peeping Tom & Lovage, donc) mais aussi CAR ce n'est pas tout: Prince Paul, Damon Albarn (qui a déjà travaillé avec Dan machinchouette sur le premier Gorillaz), Kid Koala qui envoie sa sauce façon Ninja Tunes & tout un tas d'autres trucs super cools qui font du bien & donnent envie de boire des cocktails compliqués. Les voix de Charles & Patton (il est aussi capable de ça: ça) s'entremêlent à la perfection: séduction, vices, sexe tropical sur fond de coucher de soleil hawaiien... érotisme électronique à chaque morceau comme ce trèsTrèsTRÈS sensuel Strangers on a Train... Brrrr! Ça se suit avec efficacité sans trop de chichi (le son Ninja Tunes c'est parfois trop de samples à la queue leu leu pour pas grand chose au final mais cette fois ci on a fait dans le sobre) là où d'autres projet similaires se sont ramassés les dents en avant (Sunlight On Her, Kiss Kiss ou même certains Zen CD), ça donne un excellent disque d'ambiance pour soirée branchouille genre: « Eh, c'est quoi ce son? C'est trop génial. Passe moi les cacahuettes japonaises qui piquent por favor ». Avec ça vous avez aussi trois quatre morceaux vraiment bien foutus, genre:

DUKE ELLINGTON // The Far East Suite (RCA - BMG).

En ce qui me concerne la musique de Duke Ellington porte avant tout une marque affective puisqu'elle flotte sans cesse autour de mon grand-père comme une distinction singulière. Les premières notes de In A Mellotone me renvoient invariablement sur les bords du Lauzon, près de cette discothèque Quadriphonique, aimait il a préciser, où j'ai découvert mes classiques jazz. Classique parmi les classiques, survolant sans aucun doute possible la simple case « jazz », Ellington l'est devenu parce que ça musique reste d'une modernité éprouvante. La preuve avec cet album tardif (1966), The Far East Suite, qui pratique la synthèse de tout son génie + son orchestre magique où chaque soliste aurait pu faire une carrière solo énoooorme + des compositions tirées au cordeau ... tout ce petit monde donne un disque pas très très loin de la perfection. Je voudrais parler d'un morceau en particulier & d'un soliste en particulier. Blue Pepper explose au centre de l'album comme un joyau bien trop gros pour un tel écrin. La base rythmique de nombreux morceaux actuels s'y trouve déjà, je pense notamment au Scorpio de Dj Shadow par exemple. Le soliste en question, qu'on pourrait trouver discret à la première écoute, est Rufus Jones, le batteur. Discret mon oeil! Soliste il ne l'est pourtant pas mais écoutez le début du morceau, écoutez la manière qu'il a de faire rouler son tempo, d' émettre quelques contretemps géniaux que des gars comme Ringo Starr utiliseront à profusion quelques années plus tard... C'est un morceau hallucinant à tout point de vue & qui n'a pas pris une seule rides. Rufus Jones mesdames & messieurs.

DUKE ELLINGTON - Blue Pepper (Far East of the Blues)
DJ SHADOW - Scorpio

THE BEATLES // I Want You (She's So Heavy)

Abbey Road fut le tout premier album que je me suis acheté avec mes tous premiers deniers & je dois dire que je n'ai jamais été déçu par cet investissement. I Want You (She's So Heavy), qui cloture la Face A, n'était alors pas ma chanson préférée de l'album - trop torturée, trop flippante pour le fan de guimauve-pop-façon-McCartney que j'étais à l'époque (j'avais 11 ans... mais ça n'excuse pas tout... comme le dirait Belane: "C'est mon côté sucré"). Pourtant, aujourd'hui à 28 piges, c'est devenu une des mes références ultimes de tout l'univers en entier. Voilà pourquoi. Voilà comment...



I want you... dumdum... dumdumduuum... She's so.... Heavyyyyy!

... comment des mecs qui ne pouvaient presque plus se supporter ont réussi le tour de force de se retrouver en studio pour enregistrer un sacré disque & pas des moindres? Rien que cette question mériterait à elle seule un blog libre & indépendant mais là n'est pas le problème de ce post qui révolutionnera sans doute les perceptions musicales & philosophiques de bon nombres d'entre vous. Ca n'est donc pas le sujet mais ça a le mérite de poser l'ambiance. Abbey Road sortit avant Let It Be mais fut enregistré après; la faute aux disputes concernant la production (George Martin qui se barre en plein enregistrement, Lennon & Harrison qui portent, dans le dos de McCartney, les bandes à Phil Spector pour qu'il y fasse dégouliner son wall of sound - écoutez les deux versions de Across the Universe - les chamailleries sans fin à propos de leurs nouveaux managers, Klein pour Lennon contre le beau-frère de Macca etc etc...) & tout un tas de délires d'egos cloisonnés depuis trop longtemps dans les quelques studios d'EMI. Pourtant de ce bordel obscur & électrique est né un chef d'oeuvre & tous les mythes qui l'accompagnent (pochette cultissime, mort fantasmée de McCartney, rumeurs incessantes sur l'implosion du groupe parce que tout ça c'est la faute à: 1) Yoko 2) Linda 3) la coupe de cheveux de Lennon...) & dans ce trésor une perle noire: I Want You (She's So Heavy).
Avant de rentrer dans le lard il est important de remarquer que cette chanson est l'une des meilleures preuves de la cohésion musicale des Beatles. Ici, tout le monde est à sa place: Lennon tient sa guitare sauvage au mieux, Harrison est là pour la technique & la mélodie inimitable du groupe, McCartney fait trembler sa basse comme un chevalier de l'Apocalypse & Ringo... Ringo sera toujours Ringo pas vrai... Vous savez, cette chanson aurait pu être une véritable merde. La ligne mélodique est un cercle infernal & redondant tandis que les paroles du morceau sont contenues toutes entières dans le titre. Mais de toutes les conneries que la fixation de Lennon pour Yoko Ono lui a inspiré(The Ballad Of John & Yoko, Oh Yoko!, Yoko-machin-chouette ou encore Yoko Va Faire Ses Courses) I Want You (She's So Heavy) est de loin (& dans cette histoire ça se compte en milliards de kilomètres) la meilleure, la plus complexe &, tout simplement, la plus belle de toutes.



Les Beatles se sont risqués à developper un riff unique mais en l'emberlificotant de différentes tonalités plus ou moins rapides revenant à différent moments dans la chanson. Le morceau démarre pépère, sur un rythme moins anondin qu'il n'y parait &, rendons pour une fois justice à Ringo, sa batterie est impeccable. Tout se passe pour le mieux (Je te veux, je te veux babyje te veuxjete veux babyjeteveuxbaby tu es si ....) jusqu'au refrain (... louuuuurde... heavyyyyy! ) qui fait tonner les guitares comme le Seigneur Tout Puissant l'orage sur le monde abandonné aux idoles. Puis vient le fameux pont.



Certains diront que c'est une infamie de comparer les Beatles aux Doors & c'est pourtant ce que je m'apprête à faire... pour ce morceau en tout cas. D'une manière générale, outre la personnalité saturée de charisme de Morrison, ce qui m'a toujours plus chez les Doors c'est la capacité qu'ils avaient à s'adapter aux abscences de leur chanteur. Je pense notamment, mais ça n'est pas la seule fois loin s'en faut, au Live In Hollywood enregistré en juillet 1969 (soit deux mois avant que les Beatles n'entrent en studio pour les premières prises d'Abbey Road). Le groupe va attaquer Soul Kitchen, Ray Manzarek fait ses trois notes d'intro avant que Densmore ne tape un bon coup pour rameuter Krieger & on attend... on attend... on attend que Morrison se mette à chanter mais apparemment toto n'est pas très pressé de s'y mettre. On entend même un type dans la foule qui hurle "Take your time!". Le roi Lézard ne se fait pas prier & les trois autres se trouvent obligés de se lancer dans une impro. Faut dire qu'ils y étaient habitués. Quel est le rapport avec les Beatles vous allez me dire? Eh bien, Lennon leurs fait le même coup fourré sur le pont de I Want You (She's So Heavy). A la base, la ligne mélodique du passage n'était que très sommairement écrite. Lennon voulait juste un "calme avant la tempête". Soit. Il n'en faut pas plus aux Beatles pour se donner un pur moment jazzy. Je le répète encore une fois parce qu'à l'écoute (& le passage est assez court) ça ne s'entend pas: le pont est une pure improvisation, tout comme le reste d'ailleurs. Au moment où ils se remettent à hurler "She's so heavyyyy" ils gardent la même ligne mais en l'accélérant. La basse de McCartney est fantastique tout comme la guitare de Harrison, tout comme le clavier de Billy Preston venu ajouter un petit côté soul qui balance. Mais l'orage approche. Un dernier "She's So Heavyyyyy" &, que tous les saints du calendrier nous pardonnent, le noir absolu sort des baflles dans un riff hypnotique & décuplé sur lequel Lennon & Harrison ont rajouté des sons de guitares mixés à l'envers & une tartine de parasites en veux tu en voilà qui donnent à la fin de la chanson des allures de fin du monde en direct d'une tempête au pôle nord. & puisPAF! tout s'arrête, d'un coup d'un seul. "Après un bruit énorme, il n'y a rien de plus fascinant que le silence le plus complet" c'est ce que dit George Martin en parlant de la fin de I Want You. La face B commence par Here Come The Sun. Le soleil après l'orage. Mais c'est déjà une autre histoire.

BLICERO HOWL // Mixtape 1


YELLOW MAGIC ORCHESTRA // Yellow Magic Orchestra (Alpha Records).

Contrairement à certains albums qui suivront en explorant l'univers electropop (& même comico-publicitaire) de manière, disons, plus « appliquée » & encore c'est pas prouvé, le premier disque éponyme de YMO est un modus sonore d'une jouissance rarement égalée, festif comme une bande d'ados totalement excités, joyeux comme des loutres après un festin de brochettes au saumon. C'est un objet singulier qui fleure bon le début des années 90 (il fut pourtant enregistré en 78), on y entend le sacro saint Synthétiseur qui, parfois, fit tant de mal autour de lui (même moi j'ai tremblé d'effroi en écoutant McCartney II & puis finalement...), des petits bruits de jeux vidéo en guise de ligne mélodique (Computer Game), ça sautille, ça rebondit sur des rythmes asiatiques & électroniques. En écoutant Tong Poo ou La Femme Chinoise pour la première fois en à l'impression d'entendre le générique d'une série policière japonaise du siècle dernier, dans le genre: Haruomi "Harry" Hosono ( 細野 晴臣) est: LE DERNIER TÉMOIN! Avec: Yukihiro Takahashi ( 高橋幸宏) dans le rôle du commissaire central Mikado Hondo & Ryuichi Sakamoto ( ) dans le rôle de Tonka Ideitaka... ou peut être Les Bronzés à Tokyo! & les types en rajoutent une bonne grosse couche avec la reprise de Firecracker de Martin Denny étincelante de clichés disco samouraï. C'est vraiment marrant, on dodeline de la tête en se disant que ces japonais sont vraiment impayables – je boirais bien un Royal Hosaka (1/3 de saké, 2/3 de bière Kirin avec des copeaux de tofu séché) &, sans s'en rendre compte, la mélodie reste là, scotchée à la cervelle & on se surprend à repasser le morceau pour garder cette bonne humeur venue de loin. L'efficacité de l'ensemble est indéniable. L'humour est omniprésent chez YMO (de même que pour les albums solo de Hosono) qui entrecoupaient leur musique de jingles & de sketches... « c'est hilarant mais aussi très acide politiquement sur les salarymen & les japonais en général – sur la reprise de Tighten Up les paroles sont juste hallucinantes: « We are number one, We are japanese, We dance! Dance! » » selon l'ami O. Lamm (dont j'espère pouvoir reparler ici). Voilà donc, on se disait bien qu'il y avait un truc derrière tout ça. Les trois petits nippons s'amusent, sautillent mais personne n'est plus dupe – Technodelic (1981) & Technodon (1994), entre autre, seront bien plus "sobres", électroniquement plus sombres. Moins pop à mon goût, mais je me trompe sûrement. Je vais les réécouter pour être sûr.

YMO - Firecracker
YMO - Tong Poo (version us, moins bonne que la japonaise)
YMO - La Femme Chinoise

LEILA // Blood, Looms & Blooms (Warp).

Un morceau peut il être à la fois humide, voire franchement liquide, du genre instable, impalpable & inquiétant, puissant, tout à la fois? La réponse est ouiOuiOUI! Oubliez tout le couscous qu'on a pu faire au sujet du mystérieux Burial, que la presse stupide a déjà transformé en Pynchon electro, refusant interviews & photos (toutes les réponses sont dans mon disque), prince noir d'une musique noire pour des temps pas très clairs – oubliez tout ça! Le grand morceau sombre de ces dernières années est l'oeuvre d'un revenante. Le nom du morceau: Mettle (voir mp3). Le nom de la revenante: Leila; un joli nom qui veut dire « nuit » en arabe. Ça se tient. L'onomastique dévoile toujours des surprises. Elle est donc de retour la soeur de Roya Arab, chanteuse de Archive sur l'excellent Londinium découvert à moitié avachi sur les tapis persans du Shambala à Marseille à boire du thé blanc tibétain, de retour après la mort de ses parents, après le clavier de Björk, après deux très très bons albums (Like Weather & Courtesy of Choice). Les perles se suivent sur le troisième de façon surprenante, Carplos ou la pirouette d'un John Carpenter en jupon, Deflect avec Martina Topley Bird qui revient elle aussi avec un bon album, une reprise de Norwegian Wood complètement névrosée, jouée au ralentit par des types chantant comme des femmes, Mollie, le morceau d'ouverture, qui renoue avec le trip-hop, le son d'un Tricky présent dans les marges & qui pourtant ne sera pas parvenu à étouffer l'originalité, l'intelligence de Leila & puis y'a Mettle, ce foutu chant apocalyptique tout droit sorti des égouts de Londres direction la guerre totale, les trompette de la mort engluées quelques part entre Téhéran & Bristol. Des frissons partout. Un morceau énorme pour un album assez impressionnant. Les disques qui ne nous font pas regretter d'avoir sorti un billet de 20 sont de plus en plus rares. Ici, rien n'est à jeter. Comme quoi, ça valait le coup d'attendre un peu.

Leila - Mettle
Leila - Littles Acorns (avec Khemahl & Thaon Richardson)

WHITE NOISE // An Electric Storm (Island Records)

Que font deux techniciens de la BBC (Delia Derbyshire & Brian Hodgson ) lorsqu'ils s'emmerdent entre deux jingles produits pour Radiophonic Workshop & quelques génériques pour la télé? Eh bien ils enregistrent ces fameux sons jamais entendus par les humains (« Many sounds have never been hear – by humans: some sound waves you don't hear – but they reach you. »). 1969 n'est pas une année érotique mais bel & bien électronique. L'une des plus grande perte que l'on doit au cd, outre l'esthétique froide & plastique d'un objet autrefois chaleureux, c'est la disparition formelle qu'apportaient les deux faces du vinyle. Ici elles remplissent un rôle essentiel, voire indispensable. Bien que l'on soit déjà dans un univers barré, totalement psychotropique, la face A présente des morceaux assez ludiques d'une pop électronique farfouillant tout le potentiel que les machines des studios de la BBC pouvaient fournir au duo (voir les mp3). On est en 69 donc & les sons qu'on entend pourraient bien être ceux d'une quantité de groupes expérimentaux/electro actuels qui savent bien (ou qui font semblant de ne pas savoir) ce qu'ils doivent à White Noise. Boucles hypnotiques, « effets stéréoscopiques » selon Julien Bécourt, rires de femmes, râles d'une jouissance sexuelle sans équivoque (My Game of love) le tout sans une seule guitare. Je l'ai déjà dit, nous sommes en 1969 & pas de guitare... c'est bizarre. Pour peu qu'on ait picolé ou fumé juste avant d'envoyer la galette le trip est assez ensorcelant. Même sans d'ailleurs. La mélodie est là, ce qui ne gâche rien. Puis arrive la face B & alors c'est le bordel intégral. Le gentil (mais néanmoins étrange) délire bascule vers l'intriguant, l'inquiétant, voire le flippant. On se rend compte qu'il n'était absolument pas nécessaire de se « mettre en état » - mais bon, comme qui dirait: il est trop tard. Ben tant pis. Le disque tourne (pas très rond), la fête psyché est finie, on n'aimerait bien comprendre ce qui se passe. Les gémissements s'étirent en cris d'angoisse, The Visitation annonce la couleur & elle est sombre. Les éclairs de la pochette prennent toute leur dimension spectrale. L'orage électrique continue avec The Black Mass, véritable B.O. de film d'horreur qui cavale dans nos veines & vient rendre visite à notre lobe temporal (aka le cortex auditif primaire). Mais c'est pas grave. Rien à foutre. Parce que voilà l'album qui annonçait déjà toute l'electro d'aujourd'hui.. White Noise c'est peut être la face sombre d'une musique expérimentale qui défriche sans cesse les possibilités d'une production en pleine émancipation, car c'est bien un album de production & White Noise est avant tout un groupe de studio. On pouvait s'en douter. La même année les Silver Apples sortent leur deuxième album. Un an auparavant ils avaient lâché leur bombe simeonesque. Island Records vient tout juste de ressortir une version remasterisée de l'album. Je ne saurais trop vous conseiller de vous la procurer.

White Noise - Love Without Sound
White Noise - My Game of Love

AIDAN JOHN MOFFAT // I Can Hear Your Heart (Chemikal Underground)

En guise d'intro je pourrais balancer une belle connerie du genre: I Can Hear Your Heart est un sex concept album enregistré par un alcoolique mélancolique (ancien binôme des Arab Strap) & coincé entre An American Prayer (poésie lue sur de la musique de circonstance) & le génie lyrique d'un Gainsbourg à son apogée (musique sur de la poésie de circonstance – Melody Nelson & L'Homme à la Tête de Choux). Voilà comment prendre de sacrés chemins de traverse mais dans l'ensemble ça correspond assez bien au machin. Frôlant parfois le générique de film porno ("Super Sexxxy Real Live!", "You Took it Well") I Can Hear Your Heart n'en reste pas moins une fascinante incursion du monde rock/pop dans la littérature (ce qui n'a pas toujours donné que du bon) où l'écossais rrrroule les « r » comme un pigeon parisien plein jusqu'a la gorge de vin chaud. L'objet en lui même est beau, qui donne envie de racheter des disques, qui ressemble à un petit livret de poésie &, OH! Surprise! qui contient aussi une nouvelle (Poop) sensée être la première partie du disque. La seconde (Loop) étant le disque lui même. La voix de Moffat égraine alors une ribambelle de mots & d'expressions qui lui auraient valu la potence sous la Sainte Inquisition avec la plus grande tendresse dispensée par une voix traînante, calme, voire lasse. C'est franchement beau. Loin du travail vocal qu'il a réalisé avec Mogwai (avec qui il partage le même label) sur « R U Still In To It ». Il est facile de sombrer dans une sorte de torpeur veloutée en écoutant la mélopée apaisée qui coule sur les 24 morceaux de l'album. A la quiétude d'une fin d'après-midi automnale & pluvieuse, une tasse de café relevé de cognac, on se demande mais oùBORDEL DE DIEU!sont passées nos conquêtes vénales d'antan? Vous me direz, on n'a pas forcément envie de faire l'amour en écoutant ça &, ma foi c'est pas faux, mais je ne crois pas que le but recherché fut une espèce d'excitation sexuelle portant l'auditeur à un coït sonore &, ça peut aussi arriver, solitaire. Ça ressemble plutôt à une désespérance, une sorte d'acceptation de la chaire comme une aporie incontournable, qu'elle soit l'objet du plaisir ou du désir. Sachant que tous les désirs ne sont pas toujours révolus.


BOREDOMS & WEEN // Z-Rock Hawaii (Nipp Guitar)

Eh bien, bon alors – si le son euthanasiste, les vibrations sauvages d'une fin de siècle qui, au final, n'a fait que prolonger son arrêt de mort de quelques décennies, s'est trouvé quelques potes un peu perchés pour forniquer je ne serais pas le premier à me plaindre. Bien au contraire. Boredoms (ボアダムス) qui se trouve presque à l'extrême frontière de se qui est raisonnablement écoutable pour moi, aura fait son boulot en allant chercher les deux gus de Ween pour enregistrer dans le plus grand délire Z-Rock Hawaii (1994) sorte de pêle-mêle goguenard, brouillon & génial. Ne me demandez pas ce que Z-Rock Hawaii peu bien vouloir dire j'en sais foutre rien. Il paraît juste que Yamatsuka Eye était un poil déçu lui qui voulait que l'album s'appelle WeYeN. Bof... ça n'est pas très essentiel au final.
A ceux qui aiment l'hystérie vocale de Yamatsuka Eye (aka Eye, aka le chef des Lift Boys, aka le patron capricieux de Boredoms) ne seront pas déçus. Du très zornien « Chuggin' » (Yamatsuka prête d'ailleurs sa voix à John Zorn pour son terrible Nacked City qui m'a coûté quelques belles migraines) au très excité « Love Like Cement » en passant par l'asthmatique « Tuchus », tout le répertoire du noise boy d'Osaka est là. Mais... mais à ceux qui ne supporteraient pas ce collier de cris désespérés, grâce leur soit rendue, Ween était là pendant l'enregistrement. Ça donne quelques trésors de bizarrerie comme ce « In The Garden » d'outre-tombe, le western apocalyptique (« God In My Bed »), la curiosité sushi (« The Medow ») & « I Get A Little Taste of You » qui arrive comme un cheveux sur la soupe à la façon d'une contine géniale de Syd Barret, genre « Effervescing Elephant », à laquelle elle ressemble beaucoup si ce n'est un son gravement estampillé 90'... mais peu importe, c'est bonnard & franchement on rigole souvent aux interventions absurdes d'un Yamatsuka Eye barré en plein sur quelques mélodies taillées dans la soie. L'intérêt de cet album post-moderne est justement là, qui allie sans difficulté boucles planantes & hypnotiques à une armée de grognements un peu débiles mais tout autant jubilatoires. Alors donc on passe du ravissement naïf à l'hécatombe sonore sans y comprendre quoique ce soit. Reste qu'il apparaît que très peu de groupes sont aujourd'hui assez intelligents & curieux pour prendre ce genre de risque. D'ailleurs, pour ce qui voudraient se procurer l'album en toute légalité: bon courage. Il est a plus de 300 euros (!!!) sur Amazon. La rareté appelle souvent la préciosité & avec un peu de chance, au détours d'un vide grenier, un étal tenu par un type qui pensait avoir acheter un album de yukulélé... sait on jamais - c'est comme ça qu'on fait des affaire.

Boredoms & Ween - I Get a Little Taste of You
Boredoms & Ween - In the Garden
Boredoms & Ween - The Meadow

DASHIELL HEDAYAT // Obsolète (Shandar)

Pour apprécier l'entière satisfaction que peuvent vous procurer les quatre plages d'Obsolète l'humour se matérialise comme un instrument indispensable. Ça ne plaira peut être pas à Dashiell Hedayat (Dashiell pour le pinkerton du polar Dashiell Hammett et Hedayat en référence au poète perse – prénom Sadegh) aka Daniel Théron aka Jack-Alain Léger dit le Mal-aimé-de-la-littérature-française, mais la première fois que j'ai écouté Obsolète j'ai ri. Un peu. La fois suivante beaucoup plus et à chaque nouvelle écoute je rigole, je rigole. C'est qu'en plus du talent Dashiell Hedayat a de l'humour, des phrases ritournelles complètement absurdes et gamines, qu'il serait idiot d'essayer de reproduire ici parce que ça serait une catastrophe intégrale, mais vraimentVRAIMENT marrantes. Est ce que la voix de dandy désabusé, limite efféminé, du bonhomme y est pour quelque chose? Mouais sûrement. Entre autre. Sur la pochette je vois inscrit: « This record must be played as loud as possible [ça s'est déjà fait ailleurs ça], must be heard as stoned as possible [déjà plus original] and thank you everybody [une politesse qui fleure bon les comptoir de Montparnasse]. »L'album tourne sur ma platine depuis midi et je ne m'en lasse pas. Des remugles de Gainsbourg flottent à mes oreilles – j'entendrais presque... « Variations sur Marilou »... l'histoire de Melody Nelson et cette basse qui ronronne en boucle. C'est vraiment pas mal. Quelle année? Attends voir – le gars est né en 1947 mais c'est en 71 qu'il s'est enfermé dans le château d'Hérouville avec le groupe Gong et un type, ancien guitariste de Soft Machine, un groupe à la con comme les années soixante en ont enfanté des bataillons... Daevid Allen, le petit guitariste défoncé comme pas deux qui fait des boucles autour de l'autre qui délire complet, mais avec une certaine classe. Et de l'humour.Obsolète, comme son nom ne l'indique pas, est totalement indispensable. C'est un disque littéraire et musicalement bon comme il en existe très peu, comme l'étaient les disques sus cités de Gainsbourg et qui fait parfois penser à ces poèmes que les beats lisaient dans des bouges californiens, accompagnés d'un groupe de Berkeley qui s'essayait aux tensions vocales. Un bon disque. D'ailleurs, pour les amateurs, le petit Burroughs y fait une apparition hi-fi assez discrète mais de bon goût. Pour finir je dirai ceci: Dashiell Hedayat avant d'être Dashiell Hedayat et d'écrire de curieux mais bons romans sous le pseudo de Jack-Alain Léger et d'autres encore a enregistré un album sous le nom de Melmoth (encore une référence littéraire, cette fois ci à un roman de Charles-Robert Mathurin – seigneur!) qui s'appelait La Devanture des Ivresses. Si vous le voyez, prévenez moi vite.

Dashiell Hedayat - Long song for Zelda

MORPHINE / Yes (RYKO)

SOUND/ Alors voilà mes poulets, vous savez, la première fois que j'ai entendu la voix désabusée de Mark Sandman c'était dans la voiture de Belane, il était 3 ou 4 heures du mat & on a dû passer à 130km/h devant l'hippodrome de Saint Loup (ce qui est rigoureusement déconseillé) alors que les baffles laissaient filtrer le saxo & cette petite litanie: "Yes, yes, yes... yes, yes... yes...". Avec les années c'est un truc qui m'est resté comme un impératif inconscient: Yes est un album qui s'écoute en voiture, la nuit ou alors défoncé dans son salon alors que les orages ont encore mis le grappin sur la fantastique cité.
Sur une seule chanson on ne s'en rend pas vraiment compte mais à l'écoute de l'album dans sa totalité on est surpris par la composition singulière de ce groupe, il faut bien le dire, atypique. Une basse très blues (Sandman faisait partie d'un groupe de blues, Treat Her Right), un saxo très jazzy, mais du côté obscur de la force & une batterie qui fait la navette entre les deux. En fait, Billy Conway, que Sandman a ramené de Treat Her Right, fait des va & vient incessants entre le blues & cette batterie soft pareille à celle d'un commando jazz façon Heldert Williams. La structure & le fonctionnement assimilés on envoie la sauce & force est de reconnaître qu'elle prend foutrement bien. Le saxo de Dana Colley démarre quasiment toutes les chansons un peu comme ce foutu harmonica du Dylan de la première période &PAF! la voix de Sandman coule comme du miel à mes oreilles.
Les proches du groupe ont toujours affirmé, sans qu'on puisse vraiment vérifier quoique ce soit (les notes de pochettes, même celle du best of, sont aussi fades qu'une hostie), que les textes de Sandman étaient très très autobiographiques. A l'aune de cette information Yes apparaît comme une histoire d'amour qui finit assez mal. Les premières chansons, qui sont d'ailleurs les plus mélodiques, racontent cet amour fantastique matiné de sensualité & de sueurs puis arrive le titre éponyme Yes & l'on sent l'équilibre vaciller pour tomber du mauvais côté deux chansons plus tard. C'est le mémorable Super Sex & cette formidable ritournelle: "Taxi, taxi... Hotel! Hotel!... I got the whisky baby... I got the cigarette...". Le son se liquéfie comme une belle injection de sexe extra conjugal, d'ailleurs Sandman (si ces textes sont toujours autobiographiques bien sûr) se pose des questions sur sa bourde (I Had My Chance) & ne tarde pas a passer devant le juge pour infraction au neuvième commandement (The Jury). Ici, le disque devient totalement fou. The Jury justement accuse un phrasé distillé sur une bande sonore menaçante, laquelle est torturée avec génie. Ça n'a rien à voir mais symboliquement ça fait un peu penser au L.A. Blues à la fin de Fun House. Du free jazz en or massif. L'album s'enfonce dans le délire organisé le plus troublant avec l'hallucinant Sharks réglé comme un compte-à-rebours en plein trip qui éclate au moment exacte où Free Love chiale ses notes sombres & ça n'arrange pas le millefeuille bien sûr. Sandman est dans la merde & c'est magnifique. Il se réveille après cette nuit cauchemardesque, son lit est vide, la fille a débarrassé le plancher. Gone for Good clos alors ce formidable helter skelter symphonique par une rédemption acoustique d'une surprenante douceur (Sandman joue seul de la guitare sèche pour la première & la dernière fois de l'album).
Quatre ans plus tard le leader de Morphine s'écroulera en plein concert à Rome, officiellement d'une crise cardiaque & Yes de rester un très grand album.

mp3 / Morphine - Yes

VISION/ Morphine "Super Sex":

BUGGE WESSELTOFT / Film Ing (Jazzland)

SOUND/ J'ai toujours aimé le jazz sans vraiment le connaître (de manière scientifique s'entend) pour des raisons sentimentales & affectives tandis que l'électro, à une période où je pensais avoir fait le tour de tout ce qui était écoutable dans le rock, fut une énorme terre vierge, une grande bouffée d'air, un continent à explorer. Il va s'en dire que ces deux styles musicaux s'accommodent depuis des lustres l'un de l'autre avec la plus grande application ou plutôt, & pour être précis car la précision a déserté ce monde sans foi ni lois rendons lui la place qu'elle mérite: l'électro s'est allègrement occupé de prendre au jazz ce dont elle avait besoin. Souvent pour le meilleur, il faut bien l'avouer. Les deux sont des musiques d'attente, de rythme, de contrecoups, de sursauts même si l'improvisation n'est pas aussi primordiale pour l'électro.
Bugge Wesseltoft, le label Jazzland sois même, a une nouvelle conception du jazz à proposer au patron du département "musique" de la Bruyantissime. Soit! Je suis un magna de la presse ouvert, curieux, charismatique! Je suis prêt à marquer de mon empreinte l'histoire du journalisme musical en parlant pour la première fois d'un nouveau mouvement qui fera date dans le monde du jazz, prêt à poser les premiers jalons d'une success story dont l'innovation est le cri de ralliement... même si le disque est sortit depuis quatre ans déjà. Qu'importe! Une nouvelle conception du jazz donc. Un jazz tellurique, minimaliste, empli de sonorités... électro. Avec des sons de la vie quotidienne dedans (chant d'oiseaux, bruit de circulation automobile, conversations...) & surtout avec Bugge au piano.
Alors, c'est pas que l'album soit mauvais, au contraire, c'est le genre de galette à écouter en solo du genre tapisserie sonore épaisse avec juste assez de groove pour ne pas complètement l'oublier. Ou non, mieux. Ça serait plutôt le genre d'album pour un de ces putains d' "apéritifs dînatoires" dont raffolent les nanas. Vous voyez où je veux en venir - elles adorent ça: recevoir. Faire des petits fours avec ce caviar d'aubergine à 14 euros le pot chez Résonances & puis c'est l'occasion de sortir les verres-de-la-mort-qui-tue achetés au Conran Shop lors d'un week-end à Paris. Ah mes loulous! Le jour où la province ne devra plus se contenter d'Habitat... BREF! Un disque pour ce genre d'occasion. Un son qui passe, montre que vous avez des goûts d'avant garde (jazz? électro? ambiant? mais quel est donc cette musique d'avant garde???) sans trop se mouiller, qui vous donne un petit côté intellectuel rive gauche même si la rive gauche du Vieux Port n'a, mais alors absolument rien à voir avec celle de la Seine, mais bon... on s'arrange avec son complexe d'infériorité provincial comme on peut. Au moins nous, on à la mer! diront les enfants de Mauvaise Foi. BREF! BREF! Film Ing, sans me décevoir, ne m'a tout de même pas apporté toute l'allégresse que j'avais espéré. Bugge ne fait pas tant de folies que ça avec un piano (le morceau intitulé Piano dont la pochette nous apprend que c'est un solo de Bugge n'est en fait qu'une sorte d'introduction mouligasse au morceau suivant El.), la batterie est quasi absente de la première partie de l'album (avec un beau come back sur le morceau Film Ing) & est remplacée par un paquet de boîtes à rythme plus ou moins heureuses (Hi Is?). Le saxo a parfois un vieux son ringard du style que Serra aurait pu utiliser pour la B.O. du Grand Bleu 2 (El. encore) ou d'une mauvaise inspiration du James Taylor Quartet (Oh Ye). Vous voulez que je vous dise, le meilleur ici c'est la contrebasse, seul instrument qui fait son boulot correctement, qui tient la barre du jazz formule: nouvelle conception à la Bugge Wesseltoft. Au final, un album un peu décevant, pas complètement nul mais qui m'a obligé à reconsidérer la question de l'alliage entre le jazz & l'électro.
Se faisant je suis tombé sur un vieux disque dont j'avais totalement oublié l'existence mais qui m'avait bien fait swinger de la guibolle à sa sortie: Fillet Of Soul d'Alexandre Tassel & Guillaume Naturel, le tout produit par DJ Cam. En le réécoutant, je me suis dit que c'était peut être ce que Wesseltoft avait essayé de faire sans vraiment y parvenir. Un album classe avec la trompette de Tassel qui sonne comme celle de Miles sur Kind Of Blue, des musiciens qui jouent en rang pour laisser au saxo de Naturel un espace libre d'impro. La production, tout en discrétion, de DJ Cam, enfonce le clou & fait de cet album un excellent compromis entre les deux univers si complémentaire de l'électro & du jazz. Avec une touche de soul... que les salariés de la Bruyantissime ont accueilli avec des hochements de têtes connaisseurs. Je n'embauche que des gens au goût sûr. & puis c'est tout!


VISION/ Tassel & Naturel "Drivin'":




ANIMAL COLLECTIVE / Strawberry Jam (Domino)



SOUND/ Alors quoi? Peut être que les magazines & autres pseudo rock critics de notre Belle République ont vraiment pensé que le petit Napoléon allait changer quelque chose à cette histoire de pouvoir d'achat pour nous inciter à acheter toujours plus d'albums de merde. Hein?
Les enfants je suis colère. & pas qu'un peu! Qu'est ce que c'est que ce Stawberry Jam de mes deux? Qu'on m'explique comment un non-album pareil a pu se retrouver dans le top ten 2007 de pratiquement tout le monde (Magic!, Pitchfork, Tsugi, Said the Gramophone, Inrocks...). Soit 2007 fut une année merdique, ce qui est rigoureusement faux (The Fiery Furnaces - d'ailleurs, un grand merci à Chronic'art pour ce sacré travail de défrichage & de découverte, c'est ce qu'on attend d'un magazine pas vrai?- The Liars, LCD Soundsystem...), soit, & alors là ça fait pas un pli, les types qui chroniquent de la musique devraient penser à changer de job! Merde! J'ai arrêté de lire Rock & Folk le jour où ils ont réussit à me faire acheter le live des Black Crows avec Jimmy Page - soit disant un chef d'oeuvre absolu... un foutu merdier oui! J'ai prié les Inrocks d'aller se faire voire ailleurs parce qu'ils avaient atteint un tel niveau de stupidité absurde que ça en devenait ridicule, pitoyable (souvenez vous, Amélie Poulain, un film qui prône les valeurs pétainistes... non mais sans déconner! & la fête des mères alors?!), je n'ai jamais acheté Technicart parce ce que ce magazine m'a toujours paru louche & j'en ai marre de lire des chroniques de disques écrites par des types qui sont frustrés de ne pas avoir été le nouvel André Breton. C'est vrai! Combien de fois il m'est arrivé de finir un papier en me disant: "C'était quoi ça? Le compte rendu d'un album de rock ou un poème dadaïste?" Combien de fois ça vous est arrivé à vous? & le pire c'est qu'on se sent con comme pas deux dans ces cas là. Qu'est ce que c'est que ces histoires de "musique pré-frontaliste", "néo-structuraliste", "de mise en abîme sonore du capitalisme" lorsqu'on parle du best of de Simon & Garfunkel? Hum? Faudrait en plus maîtriser la rhétorique situationniste de Debords pour pouvoir acheter ses disques maintenant?& quand, O miracle, on arrive à saisir quelque chose aux délires créatifs de ces journalistes trop heureux de recevoir des services de presse, on achète Stawberry Jam d'Animal Collective!!! La coupe est pleine! La révolte gronde & cet empaffé d'Arnaud Viviant (qui d'après moi n'est qu'un fasciste refoulé) n'y pourra rien...
Mes loulous n'achetez pas cet album à moins que vous ne cherchiez une bonne excuse pour ne plus remplir vos devoirs conjugaux, car cette marmelade est une usine à migraines. Cette marmelade est un sac de bruits empilés les uns sur les autres, sans doute pour lui donner un côté novateur qu'il, contrairement à ce qu'en a dit Magic!, n'a pas du tout. Ça crie, ça hurle pour trois fois rien, les choeurs se bornent à imiter le chant d'une sirène d'alarme, les guitares sont noyées sous les effets sonores sus cités & donc complètement anecdotiques ce qui, pour un groupe de rock, est plutôt fâcheux, ça part dans des solos de pianos absurdes mis en boucle pourBREF! ... Comment en vouloir à tous ceux qui téléchargent de la musique sur internet, quand les majors n'ont rien d'autre à proposer qu'une quantité de groupes inutiles qui pondent des albums où, peut être, une seule chanson pourrait bien se voir sauvée par pure charité chrétienne, quand les grands marchands font des rapports sur la manière de faire casquer les " vilains pirates" & de s'en mettre un peu plus dans les poches (en proposant le titre à 0,99 centimes par exemple... alors qu'il n'y a aucune mise en place à faire, pas de pub, pas de packaging, pas de pochette à éditer... un grand foutage de gueule), quand les critiques se contentent de quelque chose de moyen pour en faire "le groupe qui va enfin sauver le rock"? En vérité je vous le dis, ça n'est tout simplement pas possible.

PYLON // Gyrate (DFA)

J'aurais très certainement fait un piètre producteur vu que si un groupe comme Pylon avait débarqué dans mes studios, je crois bien que j'aurais tout de suite appelé la sécurité pour me mettre tout ça dehors. Vous connaissez Vanessa Briscoe? Je veux dire, vous avez vu la dégaine qu'elle se paie? Je n'aurais pu être autre chose qu'intransigeant: "Ma cocotte tu es attifée comme une cafetière bolchévique & tes dents sont toutes tordues. Tu t'attends vraiment à ce qu'on vende tes disques?". Des fois je me fais peur. Je sais faire très mal aux gens lorsque c'est nécessaire mais je devrais toujours garder à l'esprit le précieux conseil que l'oncle Ben donna à Spiderman avant de se faire dégommer: "De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités". Ça m'aurait évité de passer à côté de Pylon comme à peu près la moitié de la planète à l'époque.
Alors c'est marrant parce que le jour où le facteur m'a remis un colis venant d'Argentine & dans lequel se trouvait Gyrate Plus j'ai trouvé des articles sur Pylon un peu partout sur le net & dans mon Tsugi tout frais. C'est le genre de trucs qui m'arrivent souvent... un signe supplémentaire de mon flair légendaire. L'oncle Ben n'avait pas tort & Pylon aurait bien fait de suivre son conseil, le problème c'est que ce groupe de "la scène d'Athens en Georgie" c'est fait plumer sur toute la ligne. Apparus avant R.E.M. & les B52's, ils ont aussi disparu du paysage les premiers laissant le groupe de Michael Stipes faire la première partie de U2 qui lui était réservée & cartonner dans les charts & devenir le groupe que l'on connaît & transformer les quatres dingos en parfaits loosers de l'histoire du rock'n'roll. Il est évident que la musique de Pylon est beaucoup moins subtile (sic) que celle de R.E.M. (& encore, comment savoir quelle orientation le groupe aurait pris si il avait eu le succès qu'il méritait?) pourtant, elle n'en possède pas moins toute l'envergure sociale, la dimension primitive qui en aurait fait un vecteur essentiel du son punk funk de l'époque.
Le disque démarre avec le premier single du groupe, "Cool". Ce qui est remarquable avec Pylon c'est que, on aime ou on aime pas, mais c'est quelque chose que vous n'avez jamais entendu ou, plus précisément, c'est un son reconnaissable entre tous. J'ai toujours pensé que c'était là la caractéristique des grands groupes. Ce "Cool" inaugural est scandé d'une drôle de manière par Vanessa Briscoe, véritable Patty Smith en jupon, limite Eleanor Friedberger des Fiery Furnaces en pleine crise d'hystérie. Cette manière qu'elle a de distordre les premiers mots comme si ils étaient trop chauds dans sa bouche est franchement singulière & pourtant, il semble bien que ça soit la seule façon correcte de les chanter. Très vite on comprend que ça va péter dans tous les sens. Les gars derrière Vanessa (Randy Bewley à la guitare, Curtis Crowe à la batterie & Michael Lachowski à la basse... la formation on-ne-peut-plus-classique d'un groupe de rock) trouvent un rythme, une ligne directrice & ne la lâchent plus. La basse de Lachowski est lourde, typiquement américaine... DUNG DUNG DUNG un peu comme dans les premiers albums de Pearl Jam ou sur certains morceaux des Pixies. Guitare & batterie filent le parfait amour & la voix de Vanessa éructe des paroles directes & sauvages en roulant les r comme une Johnny Rotten à foufoune. Directes & sauvages parce que claironnées dans une boucle - répétées comme un slogan pendant une manifestation, comme une formule magique délivrant une euphorie primitive, un état de transe fondamental parce que trop longtemps oublié: "Everything! Everything! Everything! Everything! EVERYTHING IS COOOOOOL!!!" ou lorsqu'elle gueule: "Read a booook! Read a boooook! Don't be afraid! ", on se dit que l'Education Nationale a raté le coche pour s'aliéner une jeunesse en plein désarrois. Sur la longueur le disque s'essouffle un peu du fait de cette structure très basique & répétitive mais écoutez seulement "Cool", "Volume", "Danger" ou encore "Read A Book"... ça va vous donner envie de faire de la gym avec une bande de caniches cocaïnomanes & de gueuler sans vraiment savoir d'où vient se plaisir brut de sautiller dans tous les sens & de trouver ça terriblement cooooool.

VISION/ Aujourd'hui, en regardant les vidéos disponibles sur Youtube, je me dis que Vanessa Briscoe était une super nana avec sa panoplie de bouseuse du fin fond du sud américain alors qu'elle criait comme n'importe quel punk de New York ou Londres & avait exactement le même jeu de scène que Jim Morrison. Je vous jure que c'est vrai. La preuve avec ce "Stop It" qui n'est certainement pas le meilleur morceau de l'album mais qui donne un visuel assez touchant à tout ce papier:




PAUL McCARTNEY / Paul McCartney (Parlophone)

SOUND/ Musicalement parlant McCartney, premier album solo home made du Beatles aux yeux de velours & dernière goutte d'eau qui fit déborder un vase qui n'attendait que ça, n'est pas ce qu'on pourrait appeler un grand disque. Il est même symptomatique de la carrière en dents de scie que McCartney mènera loin de ses potes & surtout de son jumeau obscur: John Lennon. Ceci dit, très agréable à écouter, cet album contient, en gestation, toutes les facettes que Mccartney va développer dans les années à venir.
La musique de Paul Mccartney, souvent comparée à de la guimauve, est faite pour vous voir sourire, vous accompagner tout au long de votre journée, vous rendre le quotidien plus sympa, plus cool contrairement à celle de Lennon qui interrogeait l'auditeur sans cesse: Qui es tu? Que fais tu ici? Pourquoi la guerre? Penses tu au suicide toi aussi? Où est Yoko? Elle est comme une mère (supérieure) pour moi patati & patata... McCartney, dans sa grande naïveté sûrement, voulait simplement que les gens qui écoutaient ses chansons se sentent bien, soient heureux. Cet album ne déroge pas à la règle du sucré même si il est certainement l'un des moins structurés qu'il ait enregistré. On se rend bien compte qu'il se fait avant tout plaisir (une petite lennonade ouvre d'ailleurs le bal: "The Lovely Linda"), il n'a de compte à rendre à personne & fabrique ses morceaux tranquille, dans son coin. Morceaux instrumentaux plus ou moins inspirés qui préfigurent son goût pour l'instrumentalisation pure (McCartney sortira deux honnêtes albums électros dans les années 90 sous le nom de The Fireman ainsi que trois albums de musique classique). A écouter, le très one-again-people-you "Momma Miss America". On y trouve aussi le premier morceaux un peu country-folk où Linda apparaît pour la première fois (elle chante aussi mal que Yoko) & qui annonce des titres comme "Wheels" ou "Country Life" sur Red Rose Speedway & son album entièrement country sortit dans le plus grand secret sous le nom de Suzy and the Red Stripes. Le son très caractéristique de la guitare Wings est déjà présent sur "Every Night" & "Man We Was Lonely" ainsi que la batterie maison de McCartney qui joue de tous les instruments comme un grand.
Si on trouve sur cet album ce que sera plus tard le son des Wings, les Beatles n'ont pas entièrement disparu puisque le très apaisant "Junk" & l'anecdotique "Teddy Boy" étaient des chansons écrites pour Let It Be (elles sont d'ailleurs disponibles sur Antholgy 3 dans des versions plus... épurées) & récuppérées par McCartney. "That Would Be Something" aurait très bien pu apparaître sur l'album Blanc, une sorte d'intermède typique des Beatles, simple mais envoutant. "Every Night" tout pareil. Reste le cas de "Maybe I'm Amazed", le bijou de ce disque. Il faut savoir que même lorsque McCartney foirait un album bien comme il faut (McCartney II par exemple) il se démerdait toujours pour pondre un petit truc magique. C'est une caractéristique que l'on retrouve aussi chez Lennon. "Maybe I'm Amazed" fait partie de ces chansons super héros qui sauvent le bateau en train de couler. Bizarrement le titre sonne comme si McCartney l'avait enregistré pendant Band On The Run, les choeurs, l'orchestration, le bruit même du piano & ne parlons même pas du solo de guitare. Les choses changent...
Les choses changent... Un peu. Bientôt McCartney se verra obligé de porter plainte contre les trois autres Beatles pour se libérer du contrat qui le retient encore à eux. Il gagnera. Lennon, furibard, vindra balancer une dizaine de caillasses sur sa baraque alors que Martha roupillait sur le perron. Mais ça, c'est déjà une autre histoire...


VISION/ Voici "Miss Momma America":